L’attentat du marché de Noël de Magdebourg
Le vert, le rouge, couleurs traditionnelles de Noël laissent place au rouge sang et au noir, couleurs d’une BMW X3, de 6 morts, dont un enfant de 9 ans, et de 299 blessés. Les rires innocents d’André Gleißner, âgé de 9 ans, se sont transformés en sanglots sans fin d’une mère désemparée et condamnée à perpétuité à fêter le dixième anniversaire de son fils et les suivants au cimetière. A Magdebourg, ce vendredi 20 décembre 2024,
les cris de joie ont été remplacés par des hurlements de terreur.
Terreur provoquée par un homme.
Taleb Jawad Al Abdulmohsen, psychiatre saoudien de 50 ans résidant en Allemagne depuis 2006, est l’auteur de ce massacre et a rapidement été arrêté après les faits.
Contrairement aux premières suppositions, les autorités ont écarté la piste d’un attentat islamiste. La ministre de l’Intérieur allemande, Nancy Faeser, qualifie d’ailleurs le suspect d’ »islamophobe », ce dernier ayant des discours proches des idéologies d’extrême droite.
De fait, ancien musulman, Al Abdulmohsen était connu pour ses critiques virulentes contre l’Islam. L’auteur de cette attaque protestait contre la politique d’asile allemande, qu’il considérait trop accessible alors qu’il en a lui-même profité.
La montée fulgurante de l’AfD

Au regard du passif historique du pays,cette forte progression peut pousser au questionnement. Le parti d’extrême-droite, arrivé en deuxième position, avec 20,8% des voix, a fait une montée fulgurante dans les urnes ce dimanche. L’attentat de Magdebourg est un exemple révélateur utilisé pour réveiller des craintes enfouies concernant l’immigration et la sécurité des citoyens en Allemagne. De fait, le
coprésident de l’AfD, Tino Chrupalla affirme que “le terroriste n’aurait jamais dû être là à l’origine”. En effet, on retrouve ici une sensation de “déjà-vu” puisqu’en 2016, Berlin avait été touché par une attaque utilisant le même mode opératoire.
Les années passent et le scénario se répète.
Les allemands ont peur et la fin du projet «pro-immigration», l’AfD en fait sa quête. C’est dans ce contexte que l’extrême droite exploite cette peur collective en adoptant un discours anti-immigration très ferme. La prolifération des idéologies du parti semble fructueuse et remet en question le projet d’Angela Merkel d’une Allemagne aux frontières ouvertes au monde qui avait permis l’accueil de près de 2,5 millions de
réfugiés, il y a dix ans.
“Je le dis très honnêtement, si cela doit s’appeler remigration, alors cela s’appellera remigration”.
La déclaration d’Alice Weidel, visage de l’extrême droite, lors du congrès du parti à Riesa le 12 janvier 2025 illustre parfaitement le changement de dynamique en Allemagne orchestré par une critique très vive de la politique migratoire initiale. Les propos anti-immigration d’un AfD qui monte en puissance s’accompagnent d’attaques successives semant la terreur sur le territoire allemand, comme les récentes attaques au
couteau à Aschaffenburg et au Mémorial de l’Holocaust à Berlin . Ainsi, la combinaison de ces éléments a permis le maintien et l’entretien d’une peur constante sur le territoire du pays de l’Outre-Rhin et a contribué à éroder le soutien populaire à cette politique d’ouverture.
Le bouclier politique allemand face à la montée de
l’extrême droite
Néanmoins, des initiatives du mouvement «Gib Hass Keine Chance», comme la mise en place d’une contre-manifestation à Magdebourg, viennent nuancer cette récupération politique de la tragédie par l’AFD.
Cette dynamique est alimentée par l’origine de l’auteur des faits et l’initiale difficulté à déterminer ses motivations, ce qui crée un terreau fertile pour la désinformation et les stéréotypes.
La Willkommenskultur (la culture de l’accueil) en est impactée.
Le rôle des médias et des partis comme l’AfD ne peut être sous-estimé.
Malgré une tentative de dédiabolisation et une seconde place aux élections législatives de l’extrême droite, les portes du pouvoir politique lui sont toutefois bloquées par des promesses de non coalition avec l’AFD des autres partis pouvant avoir une majorité relative au Parlement. Ces engagements sont motivés par un consensus explicite anti-extrémiste. Les prochains mois seront donc déterminants pour ce nouveau Bundestag allemand qui sera amené à devoir se positionner sur ces enjeux délicats. Sachant qu’en ce début d’année, à savoir le 29 janvier dernier, le «cordon sanitaire» du pays a été atteint par une motion parlementaire de la CDU soutenue par l’AfD. Cette proposition renforçant la politique migratoire marque un tournant inquiétant et soulève
des interrogations sur la direction politique du pays et sur la normalisation progressive des idées de l’extrême droite.
Ainsi, l’attentat du marché de Noël de Magdebourg a ravivé des débats sur des thématiques qui se trouvaient au cœur des élections législatives du 23 février 2025. Dans cette logique, il est nécessaire de rappeler que Taleb Jawad Al Abdulmohsen est un migrant mais que tous les migrants ne sont pas Taleb Jawad Al Abdulmohsen. Il serait donc erroné d’affirmer le contraire et d’oublier que d’autres migrants se sont parfaitement intégrés à la société allemande et contribuent positivement à son
développement. Ces héros, parfois de l’ombre occupant des emplois aux conditions très difficiles ou d’autres connaissant une ascension professionnelle fulgurante, voient leurs réussites et intégration souvent éclipsées par le traitement médiatique et politique focalisé sur les problèmes d’intégration et d’insécurité résultant d’une minorité
récalcitrante.
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