Le mouvement « Femme, Vie, Liberté » incarne l’une des plus grandes vagues de contestation en Iran depuis des décennies. Déclenché par la mort tragique de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, ce soulèvement féministe et populaire dénonce la répression du régime iranien et revendique des libertés fondamentales. Mais au-delà des manifestations et des actes de désobéissance civile, c’est à travers la culture que ce mouvement trouve une résonance profonde et indélébile. Chants, poésie, musique et art sont devenus des vecteurs de résistance, unissant les voix des opprimés et portant le cri d’une révolution que le régime tente d’étouffer.

L’hymne de la femme : un cri d’espoir
Le 4 octobre 2022, soit 18 jours après la mort de Mahsa Amini, sort « Sorood-e Zan » (« Hymne de la femme »), une chanson composée par Mehdi Yarrahi sur des paroles de Mona Borzouei. Ce chant résonne comme un appel à la liberté, une déclaration de guerre contre l’oppression :
« Femme, Vie, Liberté Au nom de toi
C’est notre mot de code
La tombée de la nuit de Mahsa
Sera l’aube de centaines de Nedas
Chantez ! Pour que leur ville soit remplie de l’hymne de la femme
Pour que cette patrie devienne la patrie ! »
L’impact est immédiat. L’hymne devient un symbole de la lutte, scandé lors des manifestations et partagé massivement sur les réseaux sociaux. Face à cette déflagration culturelle, les autorités réagissent avec violence : Mehdi Yarrahi est arrêté en août 2023 et emprisonné à la prison d’Evin pour un autre titre dénonciateur, « Rousarito ». Mona Borzouei est arrêtée après avoir lu un de ses poèmes en public, avant d’être libérée. Mais loin de se taire, elle continue de braver les autorités, notamment via Instagram, utilisant la poésie comme une arme insoumise.
La chanson comme arme de résistance : Baraye, l’hymne d’un peuple
Un autre hymne de la contestation voit le jour une semaine après la mort de Mahsa Amini. « Baraye » (« Pour ») de Shervin Hajipour est une compilation poignante de 31 tweets d’Iraniens exprimant leur colère et leur soif de justice. Son impact est foudroyant : en deux jours, la chanson est écoutée 40 millions de fois.
Mais ce succès a un prix. Hajipour est arrêté par les Gardiens de la Révolution en octobre 2022 et condamné à trois ans et huit mois de prison pour « incitation à l’émeute » et « activités de propagande contre la République islamique ». Contraint d’effacer la vidéo de sa chanson, il ne parvient pourtant pas à étouffer son message. « Baraye » traverse les frontières et trouve un écho international lorsque Coldplay l’interprète en duo avec l’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani à Buenos Aires. Une démonstration de solidarité qui renforce la dimension universelle du combat iranien.
Pour voir le concert de Coldplay avec l’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani à Buenos Aires : https://www.youtube.com/watch?v=aJb3uc1D1D8
Le rap contestataire de Toomaj Salehi qui le conduira à la peine capitale
Toomaj Salehi incarne une autre voix de la résistance, celle du rap contestataire. Son titre « Battlefield » résonne comme un manifeste révolutionnaire :
« Ne nous appelez pas rebelles. Nous venons faire la révolution. »
Dans son clip, il intègre des images de manifestations, un acte perçu comme un affront par le régime. Arrêté une première fois et condamné à six ans de prison, il est relâché sous caution avant d’être de nouveau appréhendé et condamné à la peine capitale en avril 2024 pour « corruption sur terre », car il avait témoigné des tortures subit lors de sa première incarcération. Un verdict qui illustre la brutalité du régime face à ceux qui osent porter la voix du peuple.
Quand l’art devient une menace pour le pouvoir
Le régime iranien l’a compris : la culture est une menace existentielle pour son autorité. Chanter « Baraye », diffuser « Sorood-e Zan » ou même écouter ces morceaux est un acte dangereux. Les checkpoints où les playlists sont contrôlées, les emprisonnements d’artistes et la censure omniprésente témoignent de cette guerre culturelle que le pouvoir tente d’imposer.
Mais la résistance persiste. L’art, en tant que langage universel, ne se laisse pas étouffer. Il transcende les barrières de la peur et rallie les consciences. En Iran, chanter est devenu un acte de bravoure, un cri de liberté que rien ne semble pouvoir faire taire.
Le mouvement « Femme, Vie, Liberté » n’est pas seulement une lutte politique ou sociale, c’est une révolution culturelle. Par la musique, la poésie et l’art, les femmes et les hommes d’Iran réclament leur droit à exister librement. Chaque parole chantée, chaque vers récité, chaque image diffusée est une défiance face à l’oppression.
Tant que ces voix continueront à résonner, tant que la culture sera leur refuge et leur arme, la flamme de la révolte ne pourra s’éteindre. Car en Iran, l’espoir s’écrit en musique et la liberté se chante haut et fort.
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