Du 13 au 21 septembre se sont déroulés les championnats du monde d’athlétisme au stade olympique de Tokyo. Après Samba Mayela aux Jeux Olympiques de Paris 2024, c’est au tour de Jimmy Gressier de sauver l’honneur en remportant les deux seules médailles françaises.

©HANNAH PETERS / AFP
Plus de 2000 athlètes, près de 200 pays et 49 titres en jeu. Les mondiaux d’athlétisme sont une des compétitions sportives les plus importantes de l’année. Tous les athlètes espèrent décrocher une médaille et la compétition est rude. A Tokyo, 73 athlètes français,es ont fait le déplacement. Parmi eux, Just Kwaou-Mathey au 110m haies, Melvin Raffin au triple saut et Azeddine Habz au 1500 mètres étaient les principaux espoirs.
La compétition qui s’est déroulée sur neuf jours a vu les plus grands athlètes s’affronter. Malgré une bonne performance du grec Emmanouil Karalis, le géant du saut à la perche, Armand Duplantis, a battu son record du monde en passant la barre des 6m30. Sur le 200 mètres, l’américain Lyles a surpassé ses concurrents et a fini 3e du 100 mètres. La Kényane Faith Kipyegon, déjà titrée à Budapest il y a deux ans, s’est à nouveau illustrée sur le 1 500 mètres.
Entre espoirs déchus et blessures, l’athlétisme français sauvé par Jimmy Gressier
Avec 73 athlètes engagés, les espoirs de médailles français étaient présents. Cependant, seules deux médailles ont été remportées par le même homme, Jimmy Gressier. Sauveur français, il s’est imposé d’abord en or sur le 10 000 mètres et est devenu le premier français à conquérir le titre mondial sur cette distance. Pourtant pas considéré comme favori, il a réalisé l’exploit d’obtenir le bronze sur le 5 000 mètres juste derrière l’Américain Cole Hocker et le Belge Isaac Kimeli.
La saison a été rude et de nombreux athlètes considérés comme favoris se sont blessés et n’ont pas pu participer à ces championnats du monde. Cyréna Samba-Mayela, pourtant vice-championne olympique en 2024, a dû renoncer à de nombreuses compétitions. S’ajoutent également le champion d’Europe Alexis Miellet, la demi-fondeuse Sarah Madeleine et l’espoir Sasha Zhoya. Selon le directeur de la Fédération Française d’Athlétisme (FFA), « Un athlète qui participe à des JO […] oublie ses petites douleurs, les cache. Malheureusement, il en paye parfois les conséquences l’année d’après » (France Info).
Certains français ont aussi réalisé des contre-performances, loin de leur standard habituel. Pourtant favori sur le 1 500 mètres, Azeddine Habz s’est vu éliminé dès les séries, tout comme Mélina Robert Michon, qui a échoué en qualification. Cette dernière ainsi que Renaud Lavillenie se rapprochent de la retraite et établissent une rupture claire avec les plus jeunes espoirs. Un trou générationnel s’est opéré et l’athlétisme français fait désormais face à sa mauvaise administration. De nombreux talents, peu accompagnés depuis 2016 n’ont pas percé et désormais ce sont les très jeunes et quelques athlètes plus expérimentés qui sont les seuls représentants français. Malgré 16 finales disputées, le bilan est donc plutôt mitigé pour les Français qui finissent 17e au classement des médailles grâce à l’or et au bronze de Jimmy Gressier.
Après des années de crise, l’athlétisme français face à l’épreuve de la reconstruction
En 2016, les Jeux Olympiques de Rio font rayonner l’athlétisme français avec 6 médailles remportées. Oui mais voilà, entre 2016 et 2024, un changement d’administration a eu lieu. André Guiraud est devenu le nouveau président et selon Renaud Longuèvre, entraineur d’athlétisme interrogé par RMC, cela a tout perturbé. Selon lui, « au lieu de travailler dans la continuité, il a modifié l’organigramme » ce qui a créé un déséquilibre dans l’administration. Il a notamment nommé un DTN (Directeur technique national) pas suffisamment compétent avant de le licencier et de laisser le poste vacant. Renaud Longuèvre estime que ce rôle est un « poste clé » qu’il compare à celui de Didier Deschamps, sélectionneur de football. Les JO de Tokyo de 2021 furent une catastrophe pour l’athlétisme français avec une seule médaille remportée par le décathlonien Kevin Mayer.
En décembre 2024, une nouvelle administration, dirigée par Jean Gracia, est nommée. Après son élection il a exprimé son désir d’améliorer la haute performance en recrutant notamment un bon DTN et de bien suivre les « athlètes qui partent s’entraîner à l’étranger ». Le nouveau président a également dû répondre à deux autres problèmes auxquels étaient confronté l’athlétisme français : les cas de violence, de harcèlement et la situation financière.
Face aux situations de dopage et d’agression (violences sexuelles, sexistes ou harcèlement), le président souhaite mettre en place de la prévention. Une mesure jugée insuffisante face à des cas graves. Le 1er mars 2024, l’Equipe faisait la lumière sur la situation de la jeune nancéienne, Justine, abusée par son entraîneur à l’âge de 15 ans. Cette affaire n’est pas la seule et 11 autres dossiers de violences sexistes et sexuelles ont été traités par la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) en 2023. Des cas trop récurrents qui viennent ternir l’image de l’athlétisme français et qui continuent de suivre la nouvelle administration. La situation financière est elle aussi alarmante. A son arrivée comme président, Jean Gracia découvre un déficit de 3.6 millions qu’il attribue à une mauvaise gestion de ses prédécesseurs. Ce déficit représente 10% du budget annuel et la FFA a failli mettre la clef sous la porte.
Face à ses défis, le président de la FFA récemment élu, a tenu un long discours au meeting de Thann. Il prône d’abord une transparence totale sur la situation et souhaite discuter avec tous pour améliorer la situation. Il a créé une cellule d’intégrité pour tenter de lutter contre les cas de violences et affirme que face aux cas de violences sexistes et sexuelles il appliquera une tolérance zéro. Il tente désormais de redresser la situation financière et de se préparer aux défis futurs – son objectif étant toujours le même : accompagner les jeunes talents, faire découvrir l’athlétisme à tous et améliorer les conditions d’entrainement.
Des reproches continuent tout de même à persister notamment liés aux minimas imposés par la FFA qui sont jugés trop élevés et surtout plus durs que ceux fixés par la Fédération Internationale d’Athlétisme. L’objectif présenté par la Fédération Française est de n’amener en compétition internationale que les athlètes susceptibles d’obtenir une place en finale pour maintenir une « culture de l’excellence » (Ouest France). Cependant, les résultats ne semblent pas concluants car sur les 73 athlètes amenés à Tokyo, un seul a réussi à remporter une médaille. Cette politique trop exigeante pourrait au contraire empêcher certains athlètes de remporter une médaille. La pression pour obtenir sa place et réaliser les minimas est tellement forte qu’elle conduit à la contre-performance. Par exemple la recordwoman de France du marathon, Agathe Guillemot, n’a pas réussi à réaliser les minimas pour les championnats du monde au Japon à 8 secondes près. 8 secondes qu’elle aurait peut-être réussi à rattraper lors de la compétition internationale.
Malgré une administration nouvelle qui a l’air d’apporter un souffle nouveau, les mauvaises gestions passées continuent de peser sur l’athlétisme français comme en témoigne cette compétition internationale. D’autres problèmes plus généraux essaient d’être réglés par le nouveau directeur de la FFA mais des questionnements plus profonds demeurent. Les prochaines années et notamment les Jeux Olympiques de Los Angeles en 2026 seront un bon indicateur pour voir si les changements apportés depuis décembre 2024 payent.
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