Animalis ou encore Truffaut sont des entreprises connues du grand public, où bon nombre d’entre nous peuvent témoigner avoir déjà vu des personnes offrir un lapin à Pâques ou un poisson rouge pour un anniversaire. Ces entreprises se revendiquent être pour le bien-être animal, mais comment être sûr de leur sincérité lorsque l’argent peut corrompre bon nombre de valeurs ? 

© Fondation 30 millions d’amis

97 776 887 euros, chiffre d’affaires d’Animalis selon le dernier bilan publié le 30/03/2024 ou encore 436 millions, chiffre d’affaires de Truffaut en 2023 (en prenant en compte que Truffaut n’est pas qu’une animalerie), sont des sommes montrant l’ampleur de ces entreprises sur le marché économique. Ces animaleries, au chiffre d’affaires conséquent, se doivent donc de maintenir de bons revenus afin de continuer à être rentables et de pouvoir espérer prospérer dans le temps. Le seul problème : la vente d’animaux, amenant un paradoxe assez ironique entre des techniques marketing et des rappels sur ce qu’acheter un animal signifie réellement.

Des abandons résultant souvent d’achats compulsifs

L’un des problèmes majeurs de cette « objectification » est l’achat inconscient d’un animal de la part d’un public peu ou pas assez sensibilisé aux lourdes responsabilités et aux besoins de ce nouveau compagnon. Cela se ressent au nombre d’abandons chaque année en France, pays qualifié de « champion de l’abandon ». Le Centre national de Référence pour le bien-être animal fait état de 200 000 abandons de chiens et de chats par an. Pour remédier à cela, l’article L. 214-6-3 du code rural et de la pêche maritime interdit aux animaleries de céder à titre onéreux ou gratuit des chiens et chats dans leurs établissements. Si cette mesure est de bon augure pour limiter les abandons et achats inconscients, allant souvent de pair, il ne faut pas oublier les plus petits êtres, dotés de la même sensibilité, de la même envie d’être aimé, ainsi que d’être traités à leur juste valeur. Selon la SPA, les abandons de lapins, hamsters et cochons d’Inde auraient triplé en 2021 dans la ville de Rennes. De nombreuses raisons expliquent cela : ils sont petits, on se dit qu’ils sont dans une cage, qu’ils ne prennent pas trop de place, qu’on a pas besoin de les promener, donc c’est facile. Sauf qu’ils nécessitent des soins vétérinaires, beaucoup d’espace, mais ils peuvent aussi faire des bêtises et causer des dégâts dans une maison. Ils sont aussi dotés d’émotions et peuvent devenir agressifs ou fuyants si on n’essaye pas de les comprendre. Les animaleries sont en partie coupables de cette fausse idéalisation du petit animal de compagnie et de cette précipitation à l’achat, leur technique : le marketing des animaux. 

Des processus bien pensés pour initier à l’achat 

Afin d’inciter à l’achat, les animaleries ont bien compris comment la prise de décision se déroulait. Les parents réfléchissent à la somme qu’ils vont devoir dépenser à l’instant-t, et les enfants, eux, craquent face aux petites bouilles mignonnes des rongeurs. Le problème est que l’achat résulte la plupart du temps d’un caprice auquel on cède pour faire plaisir aux enfants. Les processus marketing viennent pour beaucoup de cas renforcer et accélérer cette « acquisition ». On peut retrouver dans de nombreux magasins, comme Animalis, des mises en scène d’animaux : une pancarte affichant les lapins disponibles à la réservation sous leur plus beau profil. Ils sont munis d’une cravate rouge lorsque c’est une fille et bleue pour un garçon, le tout accompagné d’un mignon prénom comme Cherry ou d’un nom un peu plus cliché comme Diam’s. Pour faciliter l’arrivée de ce nouvel ami au sein du foyer, l’animalerie propose un kit d’accueil à moins de 95,95 € au lieu de 113,91 €, incluant dedans une cage. Des promotions méprisant donc le respect de leurs besoins fondamentaux. Mais les promotions sont toujours mises plus en valeur que le petit livre caché dans un coin qui explique comment avoir un lapin heureux. Les rongeurs ne sont pas les seuls à subir ce marketing incessant. On peut également ajouter les poissons où, par leur générosité, l’entreprise Truffaut propose à seulement 30 € le lot de 5 guppys femelles ou encore Animalis qui propose une garantie de 48 h pour l’achat d’un poisson. 

© Emma Barrot

L’incompétence au cœur de ces animaleries 

Malgré ces nombreuses promotions et phrases chocs, on peut s’interroger s’ils s’assurent réellement à qui ils vendent leurs animaux et par qui ils les font vendre. Tout d’abord, il suffit de se pencher sur les pancartes de rappel dans ces enseignes. Truffaut rappelle à son aimable clientèle de : « Afin de préserver la vie sauvage, les animaux ne doivent pas être relâchés dans le milieu naturel » ou encore qu’il est « préférable d’avoir un aquarium d’au moins 100 L, pour un jeune poisson rouge », sous-entendant qu’ils feront tout de même la vente quoi qu’il arrive. Du côté des employés, il existe de nombreux témoignages d’anciens vendeurs ou vendeuses, racontant à quel point ils sont plus formés sur le côté marketing : comment bien vendre, comment mettre en avant les produits et les animaux dans l’unique but de rapporter un bon chiffre d’affaires. Une vendeuse Animalis a également confirmé qu’il n’y avait pas forcément besoin de diplôme pour travailler dans ce milieu, interrogeant sur les qualifications réelles des conseillers de ventes. Sur LinkedIn, lors d’une annonce de poste de la part de Truffaut pour un poste de vendeur conseil animalerie, il est précisé dans le profil recherché que l’idéal est d’être « issu d’une formation dans le domaine du commerce et/ou de l’animalerie » et justifier de « 2 ans d’expérience dans une fonction similaire. ». Pour les missions, on observe un énième paradoxe entre le supposé bien-être animal et les demandes de l’entreprise dont : « Au sein du rayon Animalerie, vous accueillez, conseillez nos clients avec efficacité et veillez à leur entière satisfaction. Respectueux de la politique de notre enseigne (merchandising, tenue du rayon…), vous appliquez les procédures de contrôle ». Comment bien renseigner si on nous donne comme mot d’ordre l’efficacité afin d’enchaîner le plus de ventes possible ? Et comment s’assurer sincèrement du respect des animaux lorsque l’une des missions principales est de pousser à la vente (merchandising par exemple) ? 

© Emma Barrot

Ce manque de professionnalisme et de connaissances résulte à de nombreux abondons, mais aussi à de mauvaises surprises telles que vendre un animal malade, se tromper sur le sexe de l’animal (important de le savoir si on souhaite en avoir plusieurs chez-soi), vendre un lapin non sevré ou encore commercialisé de « fausse race » comme les « lapins mini-nain ». Des faits pouvant déranger, les personnes n’ayant pas été prévenues des conséquences d’acheter en animalerie, mais aussi des concessions à faire lorsqu’on achète. 

Ces pratiques mettent en exergue et les nombreux témoignages montrent l’importance de faire prendre conscience que les animaleries ne sont pas là pour transmettre leur passion envers les animaux, mais pour vendre, faire du chiffre d’affaires de manière efficace. La « Fondation 30 millions d’amis » a lancé de son côté une pétition au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire afin de demander « l’interdiction pure et simple de toute vente d’animaux dans les journaux et sur les plateformes ou sites de ventes en ligne et la généralisation de l’interdiction de la vente en animalerie à tous les animaux de compagnie ». 

C’est à présent au gouvernement de voir si « tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres » (Orwell – La Ferme des animaux) ou pas.

Une réponse à “Enquête : Le bien-être animal est-il vraiment au cœur des préoccupations des animaleries au gros chiffre d’affaires ? ”

  1. Excellent article !
    J’apprécie grandement l’angle choisi, et je trouve l’article très bien rédigé

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