Alors que le féminisme continue de défendre l’égalité des genres, la montée du masculinisme se fait ressentir sur les réseaux sociaux. Entre revendications et tensions, où mènera cette rivalité ?
Le masculinisme est un mouvement – ou plutôt des mouvements – qui s’opposent à la cause des femmes et souhaitent le retour à une société traditionnelle et patriarcale. Le féminisme, quant à lui, est un ensemble de mouvements et d’idées ayant pour objectif de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les réseaux sociaux ont permis aux adhérents du masculinisme de se regrouper. En effet, on voit apparaître de plus en plus de messages misogynes et antiféministes sur les plateformes. L’opposition entre féminisme et masculinisme traduit un enjeu sociétal autour de l’égalité des genres.
Comprendre le masculinisme et son émergence
Concrètement, pour les masculinistes, le féminisme a mis à mal la position de l’homme et le « vrai » homme n’a plus sa place dans la société. Le discours masculiniste est revendicatif. Il vise en premier lieu à contester les dispositions post-divorce relatives aux enfants et aux pensions alimentaires, à nier les violences conjugales et affirmer que les hommes seraient autant, voire plus battus que les femmes, ainsi qu’à contester le droit à l’avortement et à la contraception.
Il existe différents groupes masculinistes. En voici deux principaux :
- Les « incel » (involuntary celibates – célibataires involontaires) : Ils pensent que s’ils n’ont ni petite amie, ni vie sexuelle, c’est parce que la société les déteste. C’est un discours « rassurant », ils y trouvent une réponse simple face à une question complexe. Si des femmes refusent leurs avances, alors la seule réponse valable est la vengeance. Une réflexion qui a déjà mené à plusieurs tueries de masse ou meurtres aux Etats-Unis et en Angleterre.
- Les « MGTOW » (men going their own way – hommes traçant leur propre route) : Pour ces hommes, le célibat est un choix. Ils considèrent les femmes comme vénales, peu fiables et toxiques. Ils vont se faire passer pour des victimes du féminisme. S’ils préfèrent rester seuls, ces hommes croient néanmoins qu’aucune femme ne veut vivre en totale indépendance, il s’agit là d’une sorte de punition qu’ils leur infligeraient.
Sentiment de « crise de la masculinité »
Plus assez virils, trop fragiles, pointés du doigt et mis en accusation… de nombreux hommes se sentent troublés face à l’évolution du droit de la femme et nourrissent envers elle une source inépuisable de ressentiments.
Cette idéologie est accompagnée d’un culte du sport et du corps. Ils veulent retrouver une virilité, une masculinité qui aurait disparu. Finalement, ont-ils simplement eux-mêmes du mal à correspondre aux critères de la société : être fort et viril. En effet, selon Bourdieu, on ne naît pas homme, on le devient.
Impact des réseaux sociaux et de la politique
Leur présence sur les réseaux sociaux se fait de plus en plus ressentir. On compte par exemple Léo qui donne des séances payantes de conseil.
« Les Philogynes » est une plateforme fondée par Léo qui propose des séances pour « aider les hommes et femmes à vaincre leurs blocages et développer leur intelligence sociale ». En réalité, dans le livre Les grands remplacés, paru en 2020, Paul Conge révèle que Léo donne des techniques pour contrer la « last minute résistance ». C’est-à-dire le moment où la femme ne désire plus avoir de relation sexuelle et se refuse à la dernière minute. Néanmoins, Léo explique s’assurer du consentement des filles. A noter, plus de la moitié des inscrits ont moins de 25 ans. Il s’adresse donc majoritairement à un jeune public.
D’autre part, certaines personnalités publiques ont tenu des propos choquants à l’égard des femmes. En effet, depuis l’élection de Donald Trump, le slogan « ton corps, mon choix » est devenu viral dans les sphères masculinistes, encourageant la régression des droits des femmes et la culture du viol. La publication misogyne « Ton corps, mon choix. Pour toujours » de Nick Fuentes, « influenceur » masculiniste et suprémaciste blanc, a généré plus de 91 millions de vues sur X. Détournant le slogan féministe « My body, my choice » (mon corps, mon choix) utilisé dès la fin des années 1960, le message posté au matin de l’élection américaine a amorcé une recrudescence d’attaques sexistes et misogynes sur les réseaux sociaux.
Le féminisme : ses avancées et ses critiques
Le féminisme a permis plusieurs avancées pour les femmes que ce soit dans l’évolution des droits (travail, politique…) ou dans la déconstruction des stéréotypes de genre.
Aujourd’hui plusieurs facettes de ce mouvement se sont développées, ce qui est source de critique. On parle par exemple de l’opposition entre féminisme intersectionnel, c’est-à-dire prendre en compte toutes les discriminations que peuvent subir les femmes (la classe sociale, la sexualité ou le handicap) et féminisme égalitaire, soit une approche universaliste, sans distinctions. Par ailleurs, l’émergence du mouvement « Tradwife » sur les réseaux sociaux fait également débat. Ce mouvement prône le retour d’un rôle de la femme mariée comme femme au foyer, dédiée à son mariage, sa famille et ses enfants, selon une approche traditionnelle. Mais peut-on être féministe et « Tradwife » ?
Ainsi, malgré les progrès, de nombreuses inégalités persistent. Quelques chiffres illustrent les défis à relever pour un avenir plus égalitaire :
- 1 femme sur 3 dans le monde a déjà subi des violences physiques ou sexuelles, selon l’OMS.
- Le nombre de victimes de violences sexuelles dans les transports en commun en 2024 a augmenté de 6% par rapport à 2023 et de 86% par rapport à 2016, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes.
- 130M de filles sont toujours privées d’éducation, selon l’UNESCO et L’UNICEF.
- 1 femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son (ex) conjoint, selon la Fondation des femmes.
Les nombres constants de viols et de féminicides montrent à quel point cette misogynie est intégrée à la société.
Les médias et l’éducation jouent un rôle important dans la sensibilisation aux mouvements masculinistes qui touchent de plus en plus les jeunes. Il s’agit d’un enjeu global sur la construction d’une société plus équitable, où les revendications féministes et masculines ne s’opposent pas nécessairement mais peuvent coexister.
Laisser un commentaire