David Foenkinos, auteur en vogue chez les jeunes et sur le fameux BookTok, une tendance TikTok consistant à partager sa passion pour les livres, réussit à réunir amateurs et débutants. Comment expliquer ce succès auprès d’autant de publics différents ?

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Prix littéraires, pièces de théâtre, adaptations cinématographiques, le romancier réalise le rêve de nombreux écrivains. C’est son roman La Délicatesse qui l’a rendu célèbre aux yeux de beaucoup, abordant des sujets sensibles comme le deuil, l’acceptation et l’amour. Depuis ce premier grand succès, cet écrivain enchaîne les livres plus populaires les uns que les autres, faisant de chacune de ses nouvelles parutions un événement sur les réseaux sociaux. Mais pas seulement, puisque les rédactions s’emparent également du sujet “Foenkinos”. Son tout nouveau roman Tout le monde aime Clara en est la preuve physique.
Pour comprendre l’engouement autour de cet auteur, plusieurs “booktokeuses”, aux profils variés, que ce soient des adeptes de littératures classiques (Flaubert, Hugo, Camus…), de thrillers, de polars ou encore des fans inconditionnels de tout type de littérature, m’ont fait part de leur témoignage personnel. Elles nous expliquent comment elles ont pu tomber amoureuses de cet auteur, ou alors, comment elles ont fini par être déçues de ce fameux phénomène Foenkinos.
Une Plume magique
La plume de Foenkinos pourrait être qualifiée d’intergénérationnelle, plaisant tout autant à la génération Y que Z. Le succès dans sa manière d’écrire résulte du fait qu’elle est abordable pour les débutants, sans pour autant être moins agréable pour les amateurs.
Doté d’une plume fluide et authentique, l’auteur va à l’essentiel, ne cherchant pas à faire des descriptions à rallonge, comme c’est souvent le cas chez Stendhal. Il va là où il y a des émotions, des doutes, du bonheur, … de la vie au final. Lorsqu’on lit ses livres, on est directement transporté dans l’univers du personnage. Pas besoin de se concentrer pour comprendre le sens des phrases, il suffit de se laisser porter par des mots qui, en apparence insignifiants, forment entre eux une véritable symphonie.
En effet, son écriture est particulièrement appréciée, étant qualifiée à la fois de douce et poétique. Certains qualifient ses dires de “mots pansements ». Il aurait cette capacité à mettre des lettres, des mots sur nos propres maux. Il a ce talent de pouvoir retranscrire à l’écrit de manière douce et raffinée les subtilités des relations humaines, mais aussi des émotions complexes.
Sa touche d’humour, présente dans chacun de ses romans, apporte une touche de légèreté aux thèmes sensibles et profonds pouvant être abordés (le deuil, le viol, l’échec, …). Pour la lectrice @romanebsct, c’est ce côté comique qui rend son écriture très touchante et qui lui permet de se sentir proche des personnages tout en ressentant leurs émotions, une chose qui lui était rarement arrivée. C’est un humour qui n’est pas forcé, c’est plutôt le genre d’humour de tous les jours, celui de quelqu’un qui tente d’adoucir les bouleversements de la vie et de désamorcer le tragique.
C’est ce mélange de mélancolie, d’humour, d’émotions et de profondeur qui fait de la plume de Foenkinos ce qu’elle est.
De diverses thématiques aux apparences banales
Un jus d’abricot, un mal de dos, le casting pour le fameux rôle d’Harry Potter raté à une place près ou alors une rupture amoureuse qui pousse la protagoniste à être recueillie par sa sœur, ces quatre éléments, pouvant paraître insignifiants sont pourtant ceux qui amèneront les lecteurs au climax.
Selon @readingwith_g, c’est la capacité du romancier à transformer un événement du quotidien en une véritable poésie, en un récit de vie, d’amour, de déception,.. qui fait que l’on parvient à comprendre le personnage, à se comparer à lui et même à s’y identifier.
Ce serait la clé de son succès, mettre en lumière des personnages profondément humains, en dressant des portraits toujours plus intimes. De nombreuses personnes n’arrivent pas à rentrer complètement dans un livre lorsque le héros enchaîne des aventures plus incroyables les unes que les autres. Alors que lorsqu’ils se retrouvent face à des personnages complexes, imparfaits, remplis de doutes, sensibles ou encore maladroits, cela donne souvent l’impression de se lire soi-même.
Mais, au-delà de cette identification aux personnages, l’attention aux détails de la vie quotidienne que porte Foenkinos, transporte les lecteurs. Un sentiment de déjà-vu se crée, que ce soit à travers les bégaiements, le besoin de se réfugier là où personne ne pourra nous déranger, un choix insignifiant qui au final changera le cours d’une vie ou encore ce sentiment de se faire aspirer par le quotidien.
Ainsi, le fait de recourir à des histoires de la vie quotidienne avec des protagonistes toujours différents fait qu’on se retrouve dans les personnages. Certains déclarent se voir en Camille de Vers la beauté, qui n’arrive pas à exprimer ce qu’elle ressent, tandis que d’autres s’identifient à Martin Hill de Numéro Deux, tétanisé par les souvenirs de son échec.
Des romans de “développement personnel” aux citations fortes
“Des livres à surligner”, c’est comme cela que certains surnomment dorénavant ces romans. Pourquoi ? Tout simplement en raison d’une minutieuse réflexion portée tout au long du récit. Sur les réseaux sociaux, on retrouve même des influenceuses littéraires recommandant ces ouvrages en les comparant à des romans de développement personnel.
@readingwith_g les décrit comme des lectures “à en finir sur le cul”. Une fois la quatrième de couverture refermée pour de bon, il semblerait que l’on passe toute sa vie en revue, à relativiser tout ce qui nous est arrivé, tout ce que l’on a ressenti.
Chaque livre comporte sa propre morale en fonction du thème qu’il aborde. Et ces remises en questions sur la vie font échos à tous, même aux critiques presse. Par exemple, pour Le Parisien, son livre Numéro Deux est “Une réflexion sensible et bienveillante sur la reconstruction après l’échec”.
@valse_soule et d’autres internautes ont été personnellement marqués par les citations suivantes :
- “Elle avait besoin de se perdre, de regarder la mort en face peut-être, pour pouvoir vivre à nouveau.” – Vers la beauté
- “Quel mot est utilisé quand on perd sa sœur. Il n’existe pas, on ne dit rien. Le dictionnaire est parfois pudique.” Comme lui-même effrayé par la douleur” – Charlotte
- “Je ne sais pas pourquoi tu souffres mais je suis certain qu’à un moment ou un autre tu te rendras compte que cette souffrance peut aussi être ta plus grande force pour réussir ce que tu auras décidé d’accomplir.” – Numéro deux
- “Ne pas se laisser aller, quelle étrange expression. on se laisse aller quoiqu’il arrive. La vie consiste à se laisser aller. Elle c’était tout ce qu’elle voulait se laisser aller. Ne plus sentir le poids de chaque seconde. Elle voulait retrouver une légèreté, fut elle insoutenable.” – La délicatesse
La recette secrète de Foenkinos semble résider dans ce mélange d’histoires légères, couplées à de longues réflexions poignantes, tout en nous rappelant à quel point l’extraordinaire se trouve, au final, sur le chemin de l’ordinaire.
Foenkinos, un auteur devenu surcoté ?
Cet auteur devenu tellement présent sur les réseaux, face au succès soudain qu’il a rencontré, que certains trouvent les qualités de l’auteur devenus surexploitées en raison du facteur TikTok.
@inessread, passionnée de lecture, a découvert Foenkinos cinq ans avant qu’il n’explose au travers des réseaux sociaux. Elle nous fait part de son avis, sans avoir pu être biaisée par cet outil aux multiples facettes. Grande fan de Deux sœurs et de Charlotte, pour leurs histoires bouleversantes et palpitantes. Elle s’est donc essayée à la collection Foenkinos avec Vers la beauté, Nos séparations, Je vais mieux et Numéro deux, qui n’ont eu pour seul effet le goût amer de la déception.
“C’est du Guillaume Musso”. Pour elle, Foenkinos est un auteur intéressant à découvrir, à lire une ou deux fois au grand maximum. Pour la grande majorité de sa bibliographie, les histoires sont plates, ennuyeuses et sans grand intérêt.
Derrière ces triomphes, elle voit une hypocrisie de l’auteur, poussé par des objectifs marketing et communicationnels, encouragé par les algorithmes des plateformes numériques. Comme l’explique Romain Badouard, chercheur français en sciences de l’information-communication, les réseaux sociaux dictent nos manières de nous comporter, d’échanger, de faire des rencontres,… L’un des coupables : l’algorithme. Celui de TikTok inciterait les personnes passionnées de livres, ou non, à partager du contenu concernant Foenkinos, sachant pertinemment que ce simple mot clé leur apportera un gain de visibilité. L’auteur, n’étant pas dupe de ce phénomène, sortirait des livres trop rapidement, pour bénéficier de ce fameux effet TikTok.
Malgré ces critiques, ces récits sont tout de même salués pour être accessibles à tout type de lecteur, pouvant leur donner goût à la littérature. Tout le monde aime Clara, pourra-t-il faire mentir ces accusations ?
Un grand merci aussi à @romaneintheclouds, dont l’avis a contribué au développement de cet article.
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