Depuis ses débuts, le féminisme est confronté au manque d’ouverture de certaines militantes, oblitérant les revendications de millions de femmes.

Le féminisme ne se limite pas à un conflit opposant les femmes aux hommes. Depuis toujours, les féministes doivent aussi lutter contre le « white feminism » ou féminisme blanc. Ce concept, tout droit venu des Etats-Unis, désigne la tendance qu’a une partie des féministes à se concentrer uniquement sur les problématiques des femmes blanches, cisgenres et hétérosexuelles, excluant les combats propres
aux femmes racisées, transgenres et membres de la communauté LGBTQIA+. Face à lui, une autre vision de la lutte se fait entendre : le féminisme intersectionnel. Bien plus inclusif, il cherche à obtenir l’égalité pour toutes les femmes, qu’importe leur culture, origine, religion, orientation sexuelle.

“Le féminisme blanc n’est pas du féminisme” – John Floyd, 2017

Le white feminism se cantonne alors à une vision de l’oppression vécue par les femmes blanches. Il est important de souligner que toute féministe qui est blanche n’est pas une « white feminist », ce n’est donc pas la couleur de peau qui est engagée ici. Le combat pour l’égalité salariale est un exemple largement sollicité par les féministes intersectionnelles. Elles tiennent à rappeler que les femmes racisées gagnent encore moins que les femmes blanches. En oubliant la dimension raciale de la lutte, l’égalité femme-homme n’est pas envisageable.

La récupération politique du white feminism

Les politiques n’ont pas hésité à s’approprier le white feminism pour se revendiquer d’un féminisme supposé. La chercheuse Sara R. Farris emploie le terme de « fémonationalisme » pour désigner l’exploitation faite, par les nationalistes et les white feminists, de thématiques féministes comme outil d’islamophobie. Un véritable discours érige ainsi l’Islam en instrument d’oppression des musulmanes, et encourage les femmes occidentales à les libérer de l’emprise de préceptes islamiques jugés rétrogrades. Une fixation qui se concentre notamment autour des choix vestimentaires des femmes musulmanes. A titre d’exemple, l’interdiction du port de l’abaya en septembre 2023 en est une illustration.

La politologue féministe Françoise Vergès résume cela en quelques mots « la liberté individuelle de m’habiller comme je veux (sauf pour porter le voile) ».

Si la lutte féministe se veut être un combat international, soutenu par toutes et tous, elle perpétue pourtant des formes de domination. Dans son oeuvre Féminisme décolonial, Françoise Vergès explique que les libertés obtenues par les féministes blanches se font au profit des femmes racisées. Les métiers de nounou, de technicienne de surface et d’employées du care sont ainsi majoritairement remplis par
des femmes issues de l’immigration. Invisibilisées, ces professions facilitent la lutte des femmes blanches en simplifiant leur vie quotidienne, tout en détruisant la santé des travailleuses racisées.

Des solutions possibles

Des alternatives au white feminism existent : féminisme intersectionnel, féminisme décolonial, féminisme inclusif. Dans toutes ces formes de féminisme, l’intersectionnalité reste centrale : elle repose sur la prise en considération des différentes formes d’oppressions et de discriminations vécues par les femmes. Au lieu de copier-coller un profil type sur chaque femme, le combat prend en compte les caractéristiques individuelles de toutes les femmes. Dans les faits, une femme blanche transgenre ne subit ainsi pas les mêmes discriminations qu’une femme noire voilée. L’objectif est de renverser la domination systémique imposée aux femmes, en combattant dans le même temps le capitalisme, le racisme et le patriarcat. La lutte ne s’arrête pas à l’obtention de l’égalité avec les hommes blancs, c’est tout un système qu’il faut changer.

Andreia Domingues

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